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INTERVIEW de A. Blossier réalisateur de Rémi sans famille
 

Après "La traque" et "A toute épreuve", avoue que l'on ne t'attendait pas là : raconte-nous comment tu t'es retrouvé aux manettes de Rémi sans famille" ?

En fait, malgré un réel goût pour le thriller ou le fantastique, mes goûts de spectateurs sont déjà éclectiques. Ensuite, la raison exacte pour laquelle j’ai décidé de faire RÉMI SANS FAMILLE vient de mon épouse, dont le roman « SANS FAMILLE » d’Hector Malot était le livre de chevet. Je cherchais avant tout un sujet pour un film populaire et rassembleur. J’ai encore en mémoire mes premières séances de cinéma, souvent à la période des fêtes, grâce auxquelles toute ma famille se réunissait (grands-parents, parents, cousins,…). Des films comme Jean de Florette / Manon des sources, où encore E.T. et des classiques Disney de la grande époque. C’était un sentiment particulièrement réconfortant, même face à des drames, de se retrouver entouré des miens avec des chocoletis ou des pop corn Baff. Une sorte de madeleine de Proust. Lorsque j’ai exprimé cette envie à mon épouse, elle m’a conseillé la lecture de « SANS FAMILLE ». Je ne cache pas mon appréhension de départ, directement liée à mes souvenirs de la série animée qui a traumatisé ma génération. Ma femme, me connaissant bien, m’a conseillé de le lire en imaginant que Spielberg allait le réaliser, sachant que le thème de l’enfant perdu dans un monde hostile est omniprésent dans son cinéma. Lors de ma lecture, j’y ai retrouvé plusieurs choses qui me sont chères : d’abord le thème d’espoir malgré les épreuves, le fait d’aller toujours de l’avant. Ensuite, cet émerveillement de l’enfance, même face aux drames, qui donne à Rémi un optimisme et une candeur particulièrement touchante. Ensuite, la notion de transmission. Une transmission de valeurs positives, d’une passion également. Enfin, j’y ai vu la possibilité de faire un grand film populaire, marqué par son identité patrimoniale, que je pourrais cependant écrire et réaliser en m’imprégnant de ma culture cinématographique davantage anglo-saxone, transformant cette histoire en réel conte de Noël.


Sincèrement : diriger un acteur de la carrure de D. Auteuil, ça ne met pas une pression supplémentaire ?

Bien sûr que si. Après, bien que grand acteur, Daniel s’est montré particulièrement disponible. Les premiers jours étaient marqués par la timidité venant de moi. Mais très vite, j’ai compris que Daniel était en confiance et qu’il était davantage un partenaire. C’est quelqu’un que j’aime en tant que spectateur, et certaines scènes étaient extraordinaires à tourner parce que je le voyais s’amuser avec le personnage.

Autre chose : diriger des animaux au cinéma est réputé compliqué ; ça été le cas ?

Oui et non. En fait, c’était l’accumulation des choses qui étaient compliquée sur ce film : animaux/enfants/décors naturels avec risques d’intempéries/grosse machinerie…
Pour les animaux, j’ai eu la chance d’avoir Darkness (alias Capi le chien), qui est un chien de spectacle. Tout ce que je lui faisais faire semblait facile, j’ai finalement fait peu de prises avec lui, tant il interagissait parfaitement avec les acteurs et obéissait à son dresseur avec qui il est particulièrement complice. Pour Tito (qui fait Joli-cœur le capucin), mon travail était différent. Il s’agissait surtout de filmer ses réactions et de prévoir ensuite un montage dans lequel il interagissait avec la scène.
Donc, effectivement un peu moins fluide qu’un tournage plus classique, mais pas si compliqué si nous prévoyons bien.


Rémi est budgété à 17,5 M$ : quelle est ta liberté artistique sur un si gros projet ? Y-a pas un producteur qui te tape sur les doigts ?

Alors pas du tout. J’ai la chance de travailler avec Éric Jehelmann et Philippe Rousselet qui sont d’une extrême bienveillance et d’un réel respect du travail de scénariste et réalisateur. Je les considère davantage comme des collaborateurs que comme des producteurs (au sens « patron » du terme). Bien évidemment nous ne sommes pas toujours d’accord. Certaines de nos discussions sont parfois houleuses. Mais depuis maintenant 6/7 ans que je les connais (ils ont produit mon précédent film), nous n’avons strictement jamais été dans un conflit qui ne se soit pas résolu en bonne intelligence et où tout le monde était d’accord.
Ensuite, quand tu fais un film de ce budget ci pour un public familial, tu sais que tu t’engages sur un ton. Il ne s’agit pas d’être inconséquent, mais de tirer le maximum de ton budget pour faire un film ambitieux et ample. Optimiser chaque centime pour tâcher de donner au public un beau spectacle et de l’émotion. À partir du moment où nous avons décidé de faire ce film ensemble, nous savions le cahier des charges à respecter.

Adapter un livre c'est risqué de décevoir son lectorat : tu penses qu'il est plus sage de lire le bouquin avant de voir ton film ou le contraire ?

Je dirais peu importe. Je pense que, quoi qu’il arrive, il est nécessaire de lire le bouquin. Maintenant, j’ai bien évidemment pris des libertés. La première raison est que si j’avais adapté le livre dans sa totalité, le film aurait fait 9 à 10 heures. Pour l’instant, lors des avant-premières, j’ai rencontré beaucoup de lecteurs du livre. Des gens qui, à l’instar de mon épouse, l’avait adoré étant enfant et en gardait un réel souvenir ému de l’enfance. Je suis toujours ravi quand ils me disent que j’en ai conservé l’âme, car c’est ce que je souhaitais par-dessus tout.


C'est ton premier travail d'adaptation d'une oeuvre littéraire : alors ???

Ça c’était génial. J’ai adoré le travail d’adaptation, bien plus que d’écrire une histoire originale. Bizarrement, il y a paradoxalement davantage de liberté car tu as toujours une « bible » à portée de main. De plus, tu peux toujours te souvenir de ton sentiment la première fois que tu l’as lu. Cette sensation indéfinissable et intuitive qui t’a décidé à y consacrer 3 ans de ta vie. Pour une idée originale, c’est toujours plus compliqué. Tes doutes sont davantage présents et ta démarche plus théorique. Lorsque tu pars d’une œuvre préexistante, ton écriture est plus intuitive étonnement. Et ton inconscient te guide beaucoup plus sans que tu aies besoin de tout intellectualiser, ce qui est épuisant pour l’écriture.

Vu mon âge, j'ai regardé dans ma tendre enfance le fameux cartoon nippon : tu connais ? Le roman y est plutôt malmené il me semble ?

Alors, comme je l’ai dit plus haut, oui, je connais bien. Le roman n’y est pas si malmené que ça. C’est même une adaptation assez fidèle je trouve, bien plus que certaines autres comme, par exemple, le téléfilm avec Pierre Richard. Je lis parfois que j’ai repris la direction artistique du dessin animé, sauf que celle-ci respecte énormément les descriptions et les ambiances d’Hector Malot. En m’y référant également, je suis forcément sur les mêmes éléments artistiques.

J'entends déjà nos ados crier : "J'y vais pas, c'est un film pour enfant !". Que leurs dirais-tu pour attiser leur curiosité et leur intérêt ?

C’est une bonne question. Durant les avant-premières que je fais en ce moment, les ados ne sont honnêtement pas le public principal, mais ceux qui l’ont vu ont réellement aimé le film, ont été émus et se sont reconnus dans ce petit garçon.
Je leur dirais déjà que ce n’est pas un film pour enfants mais davantage un film grand public ayant pour personnage principal un enfant de 12 ans. Il n’y a eu aucune volonté d’infantalisation de l’histoire. Ensuite, c’est une histoire universelle, dans laquelle Rémi va se trouver lui-même. Des valeurs telles que l’entraide, le courage, l’amitié et la force face à l’adversité sont les pièces maitresses du récit. À la base, c’est une grande histoire d’aventure et d’émotion. Je ne pense pas que les adolescents ne soient attirés que par les explosions et les méchas. Ceux qui l’ont vu ont sincèrement été touchés par cette épopée.
Sinon, si je veux être totalement putassier, je peux aussi dire qu’ils ou elles peuvent emmener la personne ils veulent être et offrir une épaule réconfortante lors des scènes les plus émouvantes. J’ai embrassé pour la première fois une fille devant le Grand Bleu lors de la mort d’Enzo. C’est aussi fait pour ça le cinéma.

Le film sort le 12 décembre, face à Spider-man : New generation & Mortal engines, et une semaine après le nouvel Astérix... Même pas peur ?

Bien sûr que si !!!. Tu oublies même Mary Poppins qui sort la semaine d’après. Maintenant, nous sommes quelque part chanceux puisque nous n’avons ni de Pixar, ni de Marvel, ni de Star Wars cette année. Je pars cependant du principe que le marché de Noel (sans jeu de mot) permet une bonne diversité de films. J’attends moi-même, en tant que spectateur, les films que tu cites. Mais je sais que si je devais faire une sortie en famille, j’irais voir Rémi. Je pense que nous sommes quasiment les seuls à offrir un vrai film patrimonial français de Noel. Nous verrons bien.

Es-tu accroc aux chiffres du box office de tes films ?

Assez oui, je consulte d’ailleurs "cine-directors" très régulièrement. Sur mes films, pour l’instant, je n’ai pas vraiment pu me réjouir mais je regardais toujours. Pour celui-ci, la difficulté va venir de l’attente, car, contrairement à souvent, ce n’est pas forcément la première semaine (hors vacances), qui va définir la tendance de ce que fera le film. Nous la connaitrons totalement que vers la fin de la deuxième semaine d’exploitation. C’est seulement là que nous saurons si le film fonctionne. Avant, cela restera délicat. Donc, il faudra gérer les nerfs.


Quel est selon toi, au 16 novembre, le meilleur film de l'année ?

Je vais faire mon fan service, mais j’ai adoré les deux Spielberg : Pentagon Papers et Ready Player One. Dans des styles très différents, ils m’ont transporté comme seul le cinéma sait faire.

Est-ce qu'on te reverra bientôt sur un film de genre ? En cas de succès de "Rémi", ça ne te permettrait de monter plus facilement ce type de projet ?

Je suis actuellement en écriture d’un thriller Psychologique qui s’appelle Rêver, adapté d’un roman de Franck Thilliez. Je ne crois pas que le succès de Rémi changera quoi que ce soit dans la possibilité de monter ce type de projet. Ça ferait en effet bizarre de mettre sur une bande annonce d’un film de genre : « Par le réalisateur de Rémi Sans famille ».

Question subsidiaire : tu as le choix entre une adaptation Marvel et une adaptation DC ; laquelle choisis-tu ?

Bonne question : ça dépend si on parle dans l’absolu ou dans ce qu’ils ont respectivement fait des franchises. Pour être honnête, j’aimerais juste pouvoir réaliser un épisode de « Daredevil ».


Un IMMENSE merci à Antoine pour sa disponibilité, sa précision et sa gentillesse