Memories of murders : voici le plus défaut 
                  de ce film ; rappeler à de (trop) multiples occasions 
                  une merveille du thriller sud-coréen : la pluie, les 
                  cirés, les crimes, une photographie léchée. 
                  
                  Des meurtres, deux enquêteurs. Et une relation de type 
                  FBI / police locale bien prononcée.
                  Si la réalisation ne s'avère pas toujours inspirée 
                  dans les scènes posées, elle s'offre, soudain, 
                  de formidables envolées lyriques, des cadrages impeccables 
                  et une intéressante architecture dans les plans. Bien 
                  appuyée par une photo "à la Fincher" 
                  -on pense entre autres à Seven-, 
                  des décors presque apocalyptiques, froids et glauques, 
                  une atmosphère humide et putride, et de sacrés 
                  personnages. Il lui manque pourtant un petit quelque chose pour 
                  transcender tout cela, en faire une oeuvre définitivement 
                  marquante, plus puissante, plus équilibrée. 
                  L'autre intérêt du film est sa double grille de 
                  lecture thématique. Sa description du fonctionnement 
                  d'une usine chinoise (sécurité interne, récompenses, 
                  horaires...etc), ce besoin communiste de pouvoir tout contrôler, 
                  est contre-balancé par ce monstre humain et apolitique 
                  qui est incontrôlable et presque invisible à la 
                  justice. Et ce n'est donc pas seulement une histoire de meurtres...
                  Ce manque de puissance, parfois, que j'évoquais entre 
                  les mots, trouve sa contrepartie dans une toute autre approche 
                  du scénario : car le film n'est que la représentation 
                  contextuelle d'une société post-maoïste en 
                  pleine chute (le symbole de la dernière image est évident) 
                  et qui s'en va plonger dans le grand capitalisme, lui empruntant 
                  jusqu'à ses serial killers. L'identité du tueur 
                  n'est en fait que secondaire, mieux, elle n'est que symbolique, 
                  la clef de voûte des autres thématiques de l'oeuvre. 
                  Et à ce propos il existe toute une forêt de symboles 
                  cachés dans ce film : la vision de l'amour est profondément 
                  pessimiste et même dépressive, la notion de "vérité" 
                  tout à fait relative, le symbole du voyage est ici associé 
                  à la mort ; les relations entre les personnages sont 
                  presque nocives. 
                  Si l'enquête est de prime abord très carrée, 
                  l'histoire, elle, est belle et bien tordue, elle s'épaissit, 
                  s'intensifie et se complexifie, le drame se démultiplie 
                  et s'en vient coller à la météo. Au final 
                  on restera envoûté par cet essai réussi.