Quelques heures avant le drame... L'existence de multiples personnages prise en instantané depuis un temps A, existences qui paraissent s'éloigner, se croiser mais qui vont toutes vers un même point, un temps B ; inéluctable. A la façon d'un docu, des dialogues qui ne semblent pas écrits, une caméra favorablement à l'épaule, une photo crue et la gageure d'une authentique et parfaite banalité, d'une certaine longueur, celle de la vie d'un lycéen américain (ou d'ailleurs...), désacralisant au passage l'imagerie cinématographique de ce lieu. Ainsi pourrait-on commenter les longs plans en travelling dans les couloirs, les panoramiques lents, les plans fixes étonnants. Van Sant, finallement, rejoint la thèse d'un certains Michael Moore sur son docu "Bowling for Columbine" : l'ennui est la cause de bien des dérapages. L'auteur fait du ciné catégorique, à la limite de l'expérimental, sans jugement, sans explication : il n'est qu'un improbable témoin "témoignant" pour que l'on oublie pas... que l'on n'oublie pas de réfléchir. A peine ressent-on une fausse note lorsque celui-ci, plus démonstratif, laisse sa caméra se hasarder sur un jeu vidéo très violent... Ajoutons que la musique (non s'en rappeler un certain Orange mécanique, au sujet similaire...) n'est jamais innocente. Une oeuvre extrêmement forte qui fait mal au ventre : la lâcheté d'une telle tuerie, sans doute.