EDITORIAL de AVRIL 2006
On les aime, on les adore, on s'interroge sans cesse
sur leur rôle dans notre société, on s'inquiéte,
on les valorise, on les défend, on les fête hypocritement...
Qui ? Mais les femmes, bien sûr ! Et voilà que j'ai envie
de mettre en exergue le monde des réalisatrices de cinéma,
d'un point de vue historique notamment ; si je vous demande, comme ça,
à froid, de me donner plusieurs (même un !) noms de réalisatrices
ayant eu le rayonnement artistique, la réputation critique, le
succès public, parfois, des John Huston, Jean Renoir, Alfred
Hitchcock, et autres Charlie Chaplin ? Aïe ! Pas facile... Pourquoi
? Rien de qualitatif là-dedans, on s'en doute, mais nous venons
de mettre tout simplement le doigt sur le reflet d'une société
à la limite de la ségrégation sexuelle. On veut
des grands noms de réalisatrices de cinéma ! Bien sûr
les plus passionnés citerons sans doute Chantal
Akerman, Catherine Breillat, Nicole
Garcia, Coline Serreau, entre une
petite pincée d'autres ; mais le monde de la réalisation
au féminin ne débute pas dans les années 70 !!!
Enfin presque... Pourtant, voilà 2-3 ans, en France tout du moins,
ces dames se font joliment remarquer ; remember : Mariage,
Je vous trouve très beau, Les soeurs
fâchées, Palais royal, Tout
pour plaire (mais si : il y a des minettes derrière
ces caméras là !!!) ou les 2 premières réalisation
d'Agnès Jaoui.
Tout d'abord, avant d'entrer dans le vif du sujet, un petit chiffre
interne au site cine-directors mais hautement significatif : ce site
est sensé donner la filmo de tous les réalisateurs ayant
compté dans l'histoire du cinéma (mais il n'est pas encore
exhaustif, ni pour les hommes, ni pour les femmes...), des grands maitres
aux petits maitres de la série B, et ayant réalisé
plus de 3 oeuvres sorties dans salles françaises. Soit, au jour
d'aujourd'hui, 1667 réalisateurs et réalisatrices ; ces
dernières représentants... un peu plus de 3,5 % du total.
Sans commentaire.
Pour revenir à l'histoire, sachons d'ors et déjà
que la première réalistarice du 7ème art fut une
certaine Alice Guy-Blaché (son
1er film datant de 1896) ; aux USA Loïs Weber a pris sa suite.
D'ailleurs on trouve finallement très peu de réalisatrice
et surtout de réalisatrice notoire dans la première moitié
du siècle dernier. Les noms de Germaine
Dulac, l'une des pionnières du cinéma français,
Dorothy Azner, Muriel Box ou Leonide Moguy
ne sont-ils pas un peu tombés dans l'oubli, faute d'avoir atteint
nos rivages pour certaines, faute de reconnaissance digne de ce nom
pour toutes ? Pourtant le cinéma a toujours compté dans
ses rangs des femmes de têtes ; Mary Pickford en est la plus belle
représentation... mais elle ne fut pas réalisatrice. Donc,
dans le domaine qui nous intéresse aujourd'hui, avant les inévitables
années 70-80, les différents livres sur le sujet mentionnent
encore Leni Riefensthal ou Jacqueline
Audry qui connurent une carrière resplendissante, mais peu
valorisée par la télé, les cinémathèques
ou la littérature spécialisée. Lina
Wertmuller se contente de faire la jonction entre 2 époques...
Par conséquent, le cinéma serait-il machiste ? Si l'on
prend en compte les divers constats ci-dessus, le fait que certains
genres boudent généralement les femmes (les films policiers,
les films d'action ou fantastique), de même que certains pays
où les femmes ont beaucoup de mal a percé (les pays asiatiques),
on peut tout légitimement dire que le cinéma, monde artistique,
ouvert, plutôt orienté à gauche, est un vilain macho.
Les femmes ont autant de mal a prendre les rênes d'un film que
celles d'une entreprise... Pour preuve ces réalisatrices dont
la renommée ne sort pas de leurs frontières (Fiorella
Infascelli en Italie, Teresa Villaverde au Portugal, Karen Chakhnazarov
en Russie, Maria Novarao au Mexique, Doris Dorrie en Allemagne...etc),
celles dont la carrière est un peu tombée dans l'oubli
(ces inconnues du siècle dernier... et tant d'autres dans les
catégories qui suivent...), qui n'ont que de rares films à
leur actif (en France : Claire Clouzot, Patricia Bardon, Geneviève
Lefebvre), se font trop rares (Patricia Rozéma dont le dernier
film sorti en France date de 1996, Lisa Cholodenko, Patricia Mazuy,
Marie Mandy, Hélène Angel, Aline
Isserman, Michèle Rozier),
dont la carrière est confidentielle, voire télévisuelle
(Arianne Mnouchkine, Alison MacLean, Irène Jouannet ou encore
l'inévitable Josée Dayan), où celles qui change
carrément de carrière (Patricia Plattner, Marie Sauvanet,
Virgine Thévenet).
Parmi celles qui ont ou ont connu, à un moment donné de
leur carrière, un certain succès, j'ai repéré
quatre catégories de réalisatrices : celles qui doivent
beaucoup à leur nom -ce qui n'enlève rien à leur
talent- (Balasko, Moreau
et Streisand sont avant tout actrice,
Cristina Comencini ou Martine
Dugowson sont la fille de, Duras est
écrivain) ; celles qui sont d'ex-stars mais dont on a plus beaucoup
de -bonnes- nouvelles (Barbosa, Belmont,
Companeez, Coolidge,
Ephron, Holland,
Lambert, Leder,
Moorehouse, Palcy,
Seidelman, Spheeris,
Vernoux ou Veysset),
celles qui resteront dans l'histoire quoiqu'il arrive (Campion,
Garcia, Kurys
et sans doute Danièle Thompson)
et, enfin, les nouvelles têtes que l'on suivra de près,
les françaises Valérie Guignabodet, Isabelle Mergault,
Alexandra Leclere, Cécile Telerman, Y. Moreau, Y.
Benguigui et les autres : G. Chadha,
P. Jenkins, Sofia Coppola (qui relève
un peu de la première catégorie...) et tant d'autres.
Ouf ! J'espère n'avoir vexé la sensibilité de personne,
mais cet édito était en forme de constat ; allez les filles
: montez au créneau, avec votre sensibilité, votre force
de caractère, et faites tout péter !!!