L'affaire Dreyfus ? L'affaire Picard.
L'histoire de l'Histoire où comment, dans une France de la fin du XIXeme siècle ouvertement antisémite et raciste, se monte une affaire, imprécise, fragile, expédiée et de toutes pièces édifiée. Et l'on en voit d'autant plus ses conséquences à travers le récit du colonel Picard, celui-là même qui fit tomber le fameux capitaine, par le prisme de son emploi au renseignement et, par la même, à travers le démantèlement du dossier, pièce par pièce, consécutivement à la réhabilitation de Dreyfus. J'accuse prend position et démontre que les intérêts de l'armée, de la nation, passent par dessus tout, il témoigne combien, encore une fois, cette vieille histoire est toujours aussi tristement moderne. Et le film décrit parfaitement le fonctionnement dudit renseignement français d'époque, la façon dont il protège les intérêts de l'état et s'emploie à faire chuter les traîtres à la République.
Le scénario est un peu fébrile dans sa première moitié, diluant le propos et faisant mentir le titre de l'œuvre. Puis le film se fludifie, se décante, s'intensifie et finit par nous captiver.
De plus il est techniquement flamboyant : depuis le travail soigné du chef opérateur jusqu'à la réalisation solide de bout en bout, en passant par des interprétations impeccables.
Reste la morale soudainement ambiguë de l'œuvre : on nous parle clairement d'innocents qui vont croupir en prison, alors des coupables restent odieusement libres... avant que justice ne soit partiellement faite. Et ce n'est certainement pas une métaphore ! Mais J'accuse s'avère être un cri dissonant sur un homme prêt à aller en justice pour que la lumière soit faite sur la vérité...

J'accuse est le nouveau film de Roman Polanski. Pendant les douze années qu'elle dura l'Affaire Dreyfus déchira la France provoquant un véritable séisme dans le monde entier. Polanski propose une mise en scène progressive façon thriller relatant les faits dans le détail et accompagnée dune reconstitution historique brillante. L'intrigue dont on connait le dénouement est proposée depuis le point de vue du colonel Picquart tres bien interprété par Jean Dujardin qui comprit son erreur et celle de l'armée de l'époque; et qui par soucis d'éthique mènera un combat acharné et tres risqué pour lui et ses proches dans un contexte de montée de l'antisémitisme des élites françaises. Le film est découpé en deux parties distinctes : enquête puis procès intense ;on va ainsi suivre le parcours de Picquart incarne par un Jean Dujardin impeccable à travers l'enquête qu'il va mener pour faire éclater la vérité au grand jour et les nombreux obstacles auxquels il sera confronté tels le souhait de ses supérieurs d'étouffer l'affaire et les menaces physiques et judiciaires auxquelles il sera confronté. Sa démarche de quête de vérité n'ayant pas rellement pour but de réhabiliter Dreyfus auquel il voue une inimitié évidente mais plutôt de de redorer le blason l'armée française. Les scènes de dialogues,d'enquête,de procès s'enchaînent avec une fluidité impressionnante et nous laisse abasourdis quand a l'inaction de l'armée et des ses responsables prêts à tout pour ne pas perdre un semblant de crédit. Le casting est impressionnant en tête duquel Jean Dujardin en colonel Picquart prêt à risquer sa vie dans la quête de vérité, Louis Garrel incarne un capitaine Dreyfus transcendant et qui n'aura de cesse de clamer son innocence. A noter une ribambelle d'acteurs célèbre de la comédie française. Toutefois on ne voit jamais à l'écran le fameux Esterasy qui est le véritable coupable et dont il aurait été judicieux d'apporter un traitement plus approfondi. Les divisions de la France de l'époque entre pro et anti dreyfusard ne sont également pas bien retranscrites à l'écran. Zola auteur du fameux "J'accuse" dans l'Aurore apparaît peu dans le film et l'on ne s'attarde pas non plus sur sa mort mystérieuse.
Au final J'accuse est un film historique remarquable par la qualité de ses interprètes et de la narration de l'affaire malgré quelques éléments moins développés ou absents.

NOTE : 16 / 20

John