Proust adapté par Ruiz : ça de quoi surprendre. Le résultat est à la hauteur de nos espoirs ; il lui et même supérieur.
Bien sur il est difficile de suivre méthodiquement l’histoire, il s’agit d’une série de tableaux, de protraits, tous en lien direct les uns avec les autres. Et puis on ne sait trop s’ils sont biographique ou totalement inventés, ce qui peut laisser confus. Enfin, Ruiz-scénariste a eu l’immense intelligence de respecter la logique proustienne : la compression du temps (une madeleine = des souvenirs), tout est mélé en peu d’espace, s’efface, réapparait, s’illumine… et on passe à tout autre chose.
Alors comment Ruiz-réalisateur, dont les amateurs connaissent le talent, fait-il pour que l’on s’interresse à cette incompréhensible mixture ? Réponse : en faisant de son film de la véritable littérature imagée, avec grammaire, syntaxe, saut de page et métaphore. Chaque plan est un mot, chaque séquence une phrase pleine d’audace (la caméra va d’un « point » à un autre, une partie du décor s’éteint –virgule-, une personne semble voler –métaphore -…) et de ponctuation autrement plus subtile qu’une simple fondue au noir. Et le film devient poésie pour englober l’œuvre entière du maitre, il hésite entre la forme et le fond, il ravi nos yeux hébétés et nos sens en alerte (le concert où le réalisateur, à l’instar d’un Kusturica dans « Arizona dream », joue avec de panoramiques et de spectateurs en mouvement discret est une merveille). Pour un peu il serait supérieur à l’original !
Ce que l’on ne sait aps, et qu’il faudrait étudier, c’est : est-ce que les phrases du film résume l’œuvre avec le style de l’auteur ? En clair : aurait-il adapté son livre de cette façon ?

P.S. : et je n’est pas évoqué les décors extraodinaires, des rêves éveillés, ni les acteurs rivalisant de génie.