Rose nous offre à nouveau une perle (exception faite pour le trop hollywoodien « Anna Karénine » inédites en nos contrées. Toute la personnalité de ce metteur en scène aussi remarquable que méconnu (5 films à son actif, pourtant) ressort au travers de ces images fantasmagoriques ; les mattes aussi outrés que belles du London de 1944, les visions de la showgirl, le montage et les positions très étudiées de sa caméra, tout contribue à nous emballer, à nous dépayser. Mais voilà, ce n’est pas un conte de fées… les deux beaux amoureux sont de fieffés menteurs qui cherchent par le jeu à s’évader de leur quotidien ô combien sombre (viol/prostitution – désertion/vol). K. Sutherland nous épate, il est vrai que son personnage est très riche –gentil menteur au début, amoureux de 2 femmes, puis meurtrier fou- mais il fait jeu égal avec sa partenaire , un autre personnage de menteur qui sombre peu à peu dans la folie, se déconnectant du quotidien à l’approche du danger. Car le film repose essentiellement sur la peinture de ces deux personnages amoureux, atypiques, ambigus, trompeurs, violents et dont Rose sait manipuler avec délicatesse toutes les facettes, des plus sombres au plus douces.
Les crimes odieux sont de véritables chocs, genre « Jason à Disneyland », et qui plus est pathétique : Sutherland se protège par le mensonge et joue les gros bras, sa partenaire, faible, se sent protégé par ce voyou d’opérette (mais également bon soldat pour sa fiancée officielle et ses futurs beaux-parents) ; ce désir de force fait d’elle une pousse-au-crime –vol puis meurtre- etlui, enfermé par son rôle, ne peut ni reculer ni s’empêcher d’être celui qu’il n’est pas : un vrai dur. Le cerle est vicieux et ça finira devant les tribunaux, là où ce faux-amour, celui des apparences, tombera, se changeant en délation mutuelle et tragique. Alors la porte de sortie, classique, qui s’était entre-ouverte (la demande en mariage, la promesse d’un véritable amour, d’une vie plus sereine –cf. le plan fixe) sera d’autant plus belle qu’illusoire, une lumière qui s’éteint sitôt allumée pour venir gonflé le drame.
Et dire que l’histoire est vrai… en tous les cas, plutôt que de s’appuyer bêtement sur un récit, Rose s’immiscit dans le monde de ses héros, dans leur folie (tout comme le fera Peter Jackson avec son chef-d’œuvre « Créatures célestes ») et en retire un film magnifique, avec son cortège de scènes inoubliables (le final), ses petits défauts, peut-être, mais un film qui voudrait le coup de sortir, au moins en vidéo… merci Arte !