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Les portes de la nuit

Marcel CARNE
(19-20)

Ceci est une critique strictement personnelle car elle correspond à un état d’esprit délicat. « Simple » : voici le terme idéal qui saurait qualifier cette pure merveille. Et ici c’est avant tout une qualité, même si la réalisation y tombe dedans (sauf pour des scènes comme celle où Lanoux est tuée par son mari). Comment, en effet, rester de glace face à cette puissante évocation de NOTRE vie. L’amour, ses joies, ses affres ; la mort, sa force inéluctable ; le destin, pervers et annihilateur… Même si je désapprouve fondamentalement la conception de ce dernier, son caractère, si bien imposé par le scénariste Prévert, rend l’image de la vie linéaire et piquante, gratuite, aussi inutile qu’utile, inévitablement joyeuse et triste. Une vie qui va durer, pour les acteurs comme pour nous, l’espace d’une simple nuit. Des acteurs tous imprégnés, voir soumis à leur rôle et qui tracent une ligne directe avec notre cœur. En parfaite harmonie avec la somptueuse musique et l’ingéniosoté du scénario. Entre réalisme et romantisme, sur des thèmes classiques et des trames, des fins finallement peu originales vis à vis des œuvres de l’époque, on se laisse prendre au piège, oubliant presque qu’il s’agit d’un film, ouvert aux critiques. Il en résulte 1 h 40 de larmes et de rires entremêlés, jubilants, de personnages si fort qu’ils créent un effet de miroir plus que troublant, tant d’identification pouvant aller très loin (on suit le délateur lorsqu’il passe sous le train…). Bouleversant. Une expérience unique de mysticisme et une introspection douloureuse. Ce sont nos sentiments, nos voix, nos paroles, notre amour qui défilent sur l’écran. On se rend compte que l’on et heureux et on se demande pourquoi le film doit à tous prix s’achever. Ce n’est pas « la chanson qui nous ressemble », mais bien le film. Merci messieurs Prévert et Carné de nous avoir offert un tel chef-d’œuvre.