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EDITORIAL d' août 2013

Tout le monde -moi compris- y va de son refrain sur ce que l'on pourrait presque nommer "l'ère post-Vincent Maraval", expliquant si facilement les problèmes des films français rencontrés cette année dans les salles obscures. Pourtant faites le test : oubliez les 20 % de vrais cinéphiles, toujours au fait de la dernière actualité et d'autant plus au courant de la tribune du patron de Wild Bunch sur les salaires exorbitants des acteurs-stars français, et demandez au bon peuple de quoi il en retourne, demandez à celles et ceux qui se rendent au cinéma sans connaitre ne serait-ce que le programme, s'ils savent qui est de Mr Maraval. Alors ? Est-ce vraiment de sa faute ? Explications et bilan des 7 premiers mois.

Mais de quoi accuse-t-on ce brave monsieur exactement ? D'avoir fait prendre conscience aux spectateurs de l'extrême richesse de certains acteurs français dont le salaire pèserait sur les coûts de production des oeuvres cinématographiques, devenus par conséquent exorbitants ? Ecoeurés par tant de dépenses inutiles autant que trop souvent injustifiées alors qu'eux-mêmes ont du mal à boucler leurs fins de mois, les français déserteraient les blockbusters nationaux, las de filer entre 5 et 11 euros à un système qui, d'un côté surpaient ses stars, de l'autre refuse de reconnaitre ne serait-ce que le statut de "scénariste" ; au pays de Molière et Dumas, ça fait moche ! On l'accuse donc, par répercution, d'avoir suggéré aux spectateurs que les gros films qui sont lancés en salles sont de sombres navets. Et les bides de s'enchaîner dramatiquement en 2013...

Tant que ça ? Oui !!! Reprenons l'année 2013 (arrêtée à la mi-juillet pour ce bilan) et jetons un oeil aux films ayant perdu le plus d'argent (recettes comparées au budget) : tout commença très mollement dès janvier avec les chiffres décevants de La stratégie de la poussette (287 000 entrées pour un budget qui en réclamait le double) et le bide passé totalement inaperçu de Foxfire (120 000 spectateurs pour rembourser près de 9 millions). Et puis tout va s'enchainer : Un prince (presque) parfait (182 000 / 9,1 M€), Une histoire d'amour (43 000 / 6), Cookie (82 000 / 5,3), le désormais fameux Turf (381 000 / 23) puis Passion, Vive la France ou Jappeloup qui aurait gagner à rencontrer 50 % de spectateurs supplémentaires, puis La religieuse, Une chanson pour ma mère, Amour & turbulence, 11.6, Des gens qui s'embrassent, L'écume des jours, Denis, Hotel Normandy, Cheba Louisa, Demi-soeur, Pop redemption, L'autre vie de R. Kemp, La grande boucle, Belles du seigneur, La marque des anges, Joséphine, Les reines du ring, Pour une femme, Le grand méchant loup, Marius, Fanny ; une liste laborieuse mais qui vous montre l'ampleur des dégats !!! Dégats auxquels s'ajoutent, sans les nommer, nombre de tout petits budgets qui ont tout autant floppés... Et nous ne sommes même pas en août, mois le plus meurtirer pour le ciné hexogonal ! Plus globalement : on ne trouve qu'un seul film générant plus de 2 millions de spectateurs (contre 8 sur le total de l'année 2012 : il va falloir mettre les bouchée double !) et seulement 4 à plus de 1,5 million (contre 12 en 2012 !!!).

Mais rassurez-moi, il y a bien des succès ??? Oui... Paulette, Alceste à bicyclette, Amitié sincère, Boule & Bill, 20 ans d'écart, Les profs ou Les gamins ; pour beaucoup des films qui se remboursent mais auront du mal à faire tourner la planète ciné en permettant à leurs producteurs respectifs de réinjecter ces sommes dans le système.

Mais alors : n'était-on pas dans la même misère l'an passé ? On a déjà vu que sur les films faisant beaucoup d'entrées, le retard est imposant d'une année sur l'autre : d'autant plus qu'en 2012 on avait un film à plus de 5 millions, un à plus de 4 et 2 à plus de 3... 21 films millonnaires sur 12 mois contre 10 au bout de 7. Pourtant 2012 a connu son lot de bide sur les 7 premiers mois (séquence "émotion") : Dans la tourmente, 10 jours en or, La vie d'une autre, Et si on vivait tous ensemble, Ma 1ère fois, Les papas du dimanche, Il était une fois, Comme un chef, A l'aveugle, 30° couleur, L'oncle Charles, Plan de table, Maman, Bienvenue parmi nous, Quand je serai petit ou encore Mains armées. Des flops moins nombreux (16 contre 30 cette année !!), des bides moins amples quant aux pertes financières occasionnées et surtout des bides concernant des budgets bien moins imposants : seuls L'oncle Charles et Comme un chef sont budgetés à plus de 10 millions en 2012 alors que cette année ce ne sont pas moins de 11 films au-delà des 10 briques à faire "flop" (et 3 autour de 9 M€) !!!

En 2012 le cinéma français comptait déjà plusieurs vrais succès : La vérité si je mens 3, Les infidèles, Cloclo, Le Marsupilami, Le prénom, De rouille et d'os, Un bonheur n'arrive jamais seul, Mince alors ou encore Les kaïras un peu plus tard ; déjà une bonne partie des plus gros succès de l'année. On commence à se rendre compte de l'étendu des dégats... d'autant plus qu'on ne sait encore trop quoi attendre des 5 prochains et derniers mois ? Jeune et jolie devrait attirer du monde vu le sujet sulfureux ; sinon ce sera 8 mois de cata. Eyjafjallajökull de Boon devrait s'en tirer avec le minimum vital. La vie d'Adèle et ses 3 heures ? Le prochain Jeunet, chèrement budgété et après le flop de Micmac, ou le nouveau Besson, tout aussi richement doté ? Le coeur des hommes 3 ? Casse-tête chinois ? Une surprise ? Pas très optimiste tout ça... Il est vrai que le bide de Astérix & Obélix 4 fut le déclencheur, que les budgets, ayant très sensiblement augmentés en 2013, ne peuvent qu'être délicats à rembourser.

Mais les américains dans tout ça ? Et bien autant en 2012 qu'en 2013 il avaient 2 films au-delà des 4 millions, des succès cartoonesques, mais cette année il semblent aligner plus de succès par delà les 2 millions (6 contre 5 en 2012) ; 19 films étaient millonnaire à la mi juillet contre 17 cette année. Bref : oui, merci, ça va.

Alors : est-ce vraiment dû à l'effet Maraval ou les causes sont-elles à trouver ailleurs ? Et si la véritable raison de cette débâcle étaient tout simplement liée à la qualité douteuse des films qui nous sont proposés, hein ? Les gens n'ont plus de fric à jeter par les fenêtres, alors pourquoi en claquer au ciné quand il suffit d'attendre la diffusion télé (je n'ai pas parlé de téléch...) ? L'envie de voir, voir avant tout le monde, se crée par le buzz ; et las de perdre de l'argent pour mater des navets, le français moyen est méfiant. Les producteurs nous offrent tout simplement des films que l'ont n'a pas envie de voir !!! Stop les comédies meanstream avec toujours le même panel d'acteurs qui ne nous font plus rire (Kad Merad...), stop les films lancés sans que personne ne soit vraiment au courant (réduire les coûts de production et augmenter les coûts marketing, occuper la place et générer l'envie comme le font si bien les ricains), stop les films qui pêchent par manque d'ambition, restent horriblement frileux et se font écraser au petit jeu des comparaisons d'avec leurs homologues US, stop les budgets monstrueux mais surtout injustifiés, à la fois en terme de rentabilité, de résultat à l'écran et du rôle des comédiens (Boon ne porte pas Astérix 4 sur ses modestes épaules) ; développons l'intéressement aux recettes : tu fais des entrées, tu gagnes le jackpot puisque c'est mérité. Et bonjour la diversité, tout en restant meanstream pour attiré le badaud (trop de comédies et de com rom en 2013), bonjour l'aide non pas financière mais l'aide des distributeurs à faire connaître les petits films qui crèvent la gueule ouverte alors qu'il méritent amplement mieux. Bonjour les scénaristes justement rémunérés et, donc, un minimum motivés dans leur créativité, voir libérés.

Mais quel est donc l'avenir du cinéma français ? Simple : si le prochain Boon se rétame, c'est vraiment la fin des haricots ! Si l'ultime tome de la trilogie de Klapisch se vautre, c'est que le ciné frenchie part en sucette... Il faudra sans doute attendre de voir comment se déroulera l'année 2014 dans les salles française avant de tirer une bonne fois pour toute la sonnette d'alarme car Maraval a lancé sa tribune en décembre et il me semble encore bien trop tôt pour conclure... mais cette année le cinéma gaulois est en deuil et il faudra être fort durant les 3-4 derniers mois où les dernières grosses sorties arrivent. May the Force be with us (and not US).