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EDITORIAL d'OCTOBRE 2012

On a souvent palabré -à juste titre- à propos du protectionnisme des distributeurs américains sur leur territoire : et on pourrait encore en discuter longuement, voir l'expliquer ; tradition du sous-titrage handicapante pour les productions en langues étrangères, offre nationale déjà importante mise en parallèle avec globalement peu de sorties en wide, intérets économiques évidents...etc. Mais on passe sous silence la politique française en matière de distribution qui a souvent de quoi surprendre. Explications et exemples concrets concernant la seule année 2012. P.S. : cet édito ne s'adresse pas à Mme Filippetti (Ministre de la culture) et mon nom de famille n'est pas "Sfar"...

Prenons la semaine qui court du 5 au 11 septembre dernier et analysons ce qui se passe en matière de copies allouées aux différents films : Expendables 2 conserve les 535 copies qui étaient siennes depuis la semaine précédente, et celle d'encore avant : logique puisque le film est numéro 1, qu'il draine encore quelques centaines de milliers d'entrées cependant pas suffisantes pour augmenter le nombre de salles (le film chute lourdement et passe de 936 entrées par copie à 410) ; mais le nombre de ses copies n'a pas bougé en 3 semaines d'exploitation malgré une 1ère semaine proche du million : pourquoi le distributeur ne s'est-il pas imposé dès la seconde semaine ? Rentrée des classes et demande en berne oblige, Rebelle voit ses copies chuter de 175 unités ; chute également pour les films en continuation : Dark knight rises est présent depuis longtemps et s'essouffle, Total recall n'obtient pas les résultats escomptés, Sexy dance 4 fête son million en grande pompe et ne perd qu'une poignée de salles (8 pour être précis). Jusque là tout est logique. A noter : tout ces films sont américains... aucun ne gagne de copies.

Mais là où mon incompréhension va grandissante, c'est lorsqu'il s'agit du cas de Du vent dans mes mollets : lors de la première semaine du mois de septembre, après une sortie correcte (756 entrées par copies à la fin du mois d'août), même si le film ne perd que 21 % en cette semaine 2 (moyenne du Top 10 = 23,6), qu'est-ce qui a pu inciter le distributeur à lui donner un surplus de 100 copies pour sa 3ème semaine (chose rare et réservée aux vrais gros succès...) ? Ses plus de 500 entrées par copie ? Résultat : le film plonge tout de même de 45 % ! Dans le même cas de figure pourquoi Sexy dance 4 ne bénéficie pas du même traitement ? Un coup de nez creux dont la raison reste très obscure ? Un petit coup de pouce pour un film meanstream plutôt qu'un vrai coup de main pour une production tout aussi locale mais plus discrète ? Parce Gaumont n'a pas d'autres films en lice hors mis le millionnaire mais vieillissant Les kaïras. Et que les petits distributeurs n'ont rien à faire dans la cour des grands et ceux-ci ne leur font pas de cadeaux. D'ailleurs la firme en rajoutera une couche une semaine après : + 100 copies à nouveau pour une moyenne passant à moins de 140 entrées, soit à peine mieux qu'un cartoon en fin de carrière...

Poursuivons l'exploration du Top 20 : le cas Associés contre crime. En seconde semaine d'exploitation le film, pas franchement une réussite, affichait seulement 360 entrées / copie ; très médiocre, donc. La semaine suivante Studio Canal conserve les 372 copies de ce petit bide (moins d'un demi million d'entrées pour un budget avoisinant les 10 millions d'euros) et un résultat percutant : 62 % de chutes aussi évidentes qu'attendues ! Même scénario la semaine suivante : pas une copie de perdue pour une moyenne absurde de 80 entrées... Une fois encore Studio Canal n'a que le pitoyable Sammy 2 en course.

Encore un autre exemple typique : le gros Superstar (10 M€ d'investissement) se plante royalement dès sa sortie ; 348 entrées / copie. Que fait le désormais bien assis Wild Bunch ? Il lui apporte 17 copies de plus. Pas une véritable offrande, mais une augmentation toute symbolique. Même punition logique : le film est déserté par 68 % de spectateurs par rapport à sa semaine précédente ! Pourquoi perdre autant d'argent avec un film qui de toutes évidences n'est pas et ne sera absolument et évidemment pas rentable ? Pour perdre un peu moins... tellement moins ?

Et on pourrait continuer longtemps à disserter sur un phénomène qui, étrangement, ne touche que les films français, tout du moins en grande majorité : Cornouailles conserve 219 copies, pour un film qui n'a pas séduit le public, certainement pas à la hauteur d'un budget moyen mais confortable (6 M€). Le film se retrouve donc avec une moyenne par copie désertique de 68 entrées !!! Quand son distrib, UGC, n'a pris aucun risque avec le petit Mr Lazhar, malgré son succès -relatif- aux USA. Alors : est-ce une semaine d'exception ?

Pas vraiment même si, soyons honnète, dans 50 % des cas cette année, on reste dans la logique qui veut qu'un film avec une bonne moyenne / copie voit son nombre de salles stagner ou augmenter. Mais il est difficile de parler d'exception quand autant d'exemples viennent se rajouter à la démonstration : en semaine 18 Ducobu 2 chute de 50 % malgré un ajout de copies... cependant en 3ème semaine le film gagnera encore 25 copies (et 77 % de chute !). Plus délirant encore : à sa sortie Maman bénéficie de 291 copies mais d'une moyenne tout juste correcte (401 entrées par copie) : la semaine suivante le film gagne près de 200 copies (pourtant juste après les grasses semaines du 1er et du 8 mai...) et perd logiquement la moitié de sa moyenne ! Au même moment Je te promets -film américain- perd des copies alors que sa moyenne est supérieure à 870 entrées / copie... Dark shadows gagnera 15 copies grâce à une moyenne / copie de 1 428 quand De rouille et d'os grimpe à 68 pour une moyenne de 1 654 ; l'effet cannois contre la réputation burtonienne. Des films comme Men in black 3 perdent des copies en semaine 2 malgré une moyenne supérieure à 1 000. Et on pourrait encore évoquer, rien que pour cette année, le cas extrême de Bienvenue parmi nous (moyenne inférieure à 290 mais des copies qui s'ajoutent). A vous de juger et d'éclaircir ce petit jeu des copies. Il faut vraiment que le film, soit un sacré bide pour que les distrib' daignent baisser leurs ambitions quand il s'agit de défendre une oeuvre française... se battre contre des moulins à vent...

Hypocrisie ? Protectionnisme déguisé ? Loi du marché ? Manque de nez ? Résultat déséquilibré du rapport de force entre distributeur et exploitant ? Revanche nationale ?

Les petits films se trouvent alors plus ou moins dans la même configuration qu'aux USA : aucune sortie en wide (plus de 200 copies) et peu de chance de percer sur le marché ; sauf qu'aux USA les distributeurs, et cela n'est pas rare, rajoutent inlassablement des copies aux films dont la moyenne est importante et leur laissent au moins une petite chance de se refaire sur la durée. Dans le Top 20 de cette fameuse semaine 36 que l'on évoquait en début d'article on ne se retrouve qu'en présence de mastodontes françaises où américaines ; pas de prise de risque. Inutile de chercher parmi les grands du box office les noms de petites sociétés de distribution.

Mais est-ce qu'avec cette article je vais refaire le monde ou tout du moins l'économie hexagonale ? Non : mais je laisse un droit de réponse aux personnes concernées...