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EDITORIAL de JUILLET 2012

Cet édito est une déclaration d'amour... Je te connais depuis que je suis tout petit, je t'ai rencontré un soir, dans le salon de mes parents, sur un vieux téléviseur monté sur un pied tout aussi âgé que lui, je ne me souviens plus très bien quel nom tu portais la première fois que je t'ai vu. Je ne t'ai regardé que d'un oeil discret car à cette époque, j'étais si jeune ; un générique, des mots qui défilent, des images, des dialogues et, un peu plus tard, des moments que je n'oublierai plus jamais : un grand singe portant une dame dans son immense main, des soldats tout de blanc vétus pénétrant un vaisseau tout aussi immaculé qu'eux, tirant de beaux rayons colorés depuis leurs pistolasers avant l'arrivée de leur chef, dont l'âme allait s'avérer aussi noire que son costume. Est-ce que je me rappelle de notre 1ère rencontre dans une grande salle, où j'allais bientôt te retrouver si souvent ? Je crois que ce fut grâce à une professeur d'école primaire... mais je n'étais alors qu'un enfant et je ne comprenais encore rien aux choses de l'amour ! Tu te nommais alors "Jonathan Livingston le goéland". Je crois...

Pourtant mon choix était déjà fait : j'allais vouer ma vie à toi, succombant d'autant plus à tes charmes lorsque tu allais te vêtir d'une parure "fantastique". Je n'avais pas beaucoup d'argent mais pourtant je n'allais bientôt plus pouvoir me passer de toi : je devais absolument te retrouver hebdomadairement, coûte que coûte. C'est comme cela que fonctionne l'amour. Alors j'ai fréquenté les lieux où je pouvais te voir, à moindre coût, au détour d'un rayon : je t'ai trouvé, tous les samedis dans ma vidéothèque de quartier, où dans une autre, je te prenais par la main et revenais avec toi, restant près de toi toute la journée, toute la soirée pour te laisser finalement aller le dimanche matin, à regret... mais avec plein de souvenirs dans la tête. Que de sensation découvertes à tes côtés : tu as frissonné avec moi lors de la dernière scène de Vendredi 13, nous avons été intrigué par la découverte des films de S. Gordon ou B. Yuzna, les séries Z de tous poil ont formé notre cinéphilie commune, on a discouru avec des zombies, des professeurs fous, des loups-garous, des licences sans fin, des cartoons, des marionnettes, vampires, aliens, gaulois, fantômes, dinos et tant d'autres encore. Et puis je t'ai demandé de rester chez moi, tous les soirs, comme un rituel. Après le diner nous nous placions devant la télévision et, depuis, nous avons vu conjointement presque tous les classiques qui y étaient diffusés, intégré les filmos de presque tous les plus grands réalisateurs, les plus prestigieux acteurs, depuis le muet jusqu'à aujourd'hui, de l'Australie jusqu'au Brésil, de l'Afrique du sud jusqu'en Norvège, sans distinction de race ou de couleur, de religion, de dialecte, de taille ou de richesse ; tu es ouvert à tout, à tous, tu es varié, tu es riche de diversité : et c'est sans doute cela que j'aime plus que tout en toi.

J'ai beaucoup lu à ton propos, je désirais tout connaitre de toi, tout savoir, je cherchais des nouvelles à ton propos même si je te voyais régulièrement, je voulais pouvoir te comprendre, décrypter tes désirs, tes maux, être guidé : alors j'ai lu tout ce qui me tombait sous les yeux durant mes années de Fac... plutôt que d'aller en cours. Toi, toi, encore toi, toujours toi. Tout pour toi. Même s'il y a des fois où je t'ai moins aimé que d'autres, s'il y a des fois où je sentais que notre rencontre n'allait pas être des plus fructueuse : mais j'insistais sans jamais me sentir forcé de te voir, le besoin et l'envie dépassant tous mes a priori.

Devenu adolescent je me suis permis de sortir avec toi tous les week-ends, je te retrouvais dans l'un des cinémas de Saint-Etienne (merci le France, le Royal, le Gaumont, le Méliès ou le défunt Eden) et on se gavait -jusqu'à 3 ou 4 films parfois- de tous ce que les distributeurs nous laissaient entrevoir : blockbusters assurément, indépendants sans aucun complexe, soirée fantastique, séances de minuit ; et j'en passe et des plus fous. Pour te prouver mon amour, j'étais prêt à tout : je me souviens d'une séance où je fut joliment accompagné d'une jeune fille -étais-tu jalouse ?- qui dûe attendre la fin du film (Lune de fiel) pour connaitre les joies d'un baiser ; tu passais avant tout, c'est comme ça. Combien de cours ratés pour aller te rejoindre avec l'un de tes amis intimes : Kubrick, Kusturica, R. Scott et bien d'autres encore.

Un jour, et il fallait bien que cela arrive, j'ai rencontré une personne, une femme, et dès le premier regard j'ai su qu'elle allait partager le restant de ma vie, alors que je n'avais que 20 ans ; partager ma vie et ma passion pour toi, sans jalousie aucune puisque c'est d'un tout autre amour qu'il s'agissait : notre première séance commune débuta devant une salle, juste avant d'aller te rejoindre, où je tins à peu près ce discours à celle qui allait devenir ma femme, la mère de mes 4 enfants : "je t'emmène dans mon église". J'exagérais sans doute beaucoup, mais cet amour qui nous unis depuis maintenant 39 ans, même s'il n'a rien de divin, est une passion sans faille, sans commune mesure, sans concurrence, indéfectible, infatigable, fidèle et fier.

Depuis mon adolescence tu me suis presque au quotidien : je me souviens d'une époque, pas si lointaine, où je ne pouvais me permettre de passer une soirée sans toi -et si tel fut le cas je m'empressais de prolonger notre rendez-vous le jour suivant- et où chaque vacances était un déchirement insensé : j'allais devoir te laisser durant 2 ou 3 longues semaines... Voilà : tant de rencontres, de joies partagées, de larmes sincères, de colère, de rires aux éclats, d'agacement, de folie ; nos rendez-vous, qui ne durent que rarement plus de deux heures, sont d'une intensité telle que je me suis si souvent dis que jamais la vie ne m'apportais autant de bonheur ; j'étais une fois encore très excessif, mais ce que nous avons vécu tous les deux, égoïstement, parfois secrètement, a toujours été d'une telle puissance, comme une seconde vie, une existence parallèle que seule la mort pourra stopper. J'irais même plus loin au risque de choquer mon lectorat : certaines de nos rencontres se sont terminés par un long instant de jouissance, rien de sexuel, seulement le plaisir de la beauté, de l'intelligence et la proximité d'une certaine forme de perfection. Des moments comme en apesanteur, sous le simple effet d'une drogue sans danger, plus vrai que le plus beau des rêves. Tu m'as accompagné dans la vie, tu m'as aidé : un peu comme si tu me comprenais mieux que quiconque, comme si, lorsqu'un problème, un drame, lorsqu'une période plus triste de ma vie m'empêchait d'avancer sereinement, tu trouvais toujours les bons mots, les bonnes images au bon moment pour me redonner de l'espoir, me rendre plus fort, tu savais philosopher simplement et trouver une solution claire à chacun de mes soucis. En fait, lorsque je suis avec toi je ne pense plus à rien d'autre. Et c'est encore plus vrai aujourd'hui. Mieux que n'importe quel ami, plus professionnel que n'importe quel psychologue... et tellement moins cher ! Tu ne m'a jamais rien demandé en retour. Rien.

A tes côtés j'ai appris la tolérance, la compassion et l'amour fou, j'ai voyagé aux côtés de 2 bikers mythiques, combattu dans un club, apprivoisé la mort aux échecs, me suis méfié du futur et des oranges, j'ai compris le passé, fait moults rêves italiens, navigué dans une galaxie lointaine, appris la politique ou l'amour, compris la guerre, rêvé des milliers de fois et me suis forgé des opinions qui m'ont appris à grandir, à être un père, à être un homme tout en n'oubliant jamais avoir été un enfant, à être libre, critique, à résister, à être un citoyen de ce monde ; et tant d'autres choses.

Le temps a passé, mais ma passion pour toi est intacte : même si je n'ai plus toujours le temps de te retrouver dans les salles obscures, je ne t'oublie pas pour autant et je te donne encore rendez-vous... illégalement, discrètement, afin de ne pas te perdre. Je ne pourrais le supporter. Plus de 7 200 souvenirs nous rapprochent et il risque bien d'y en avoir encore autant avant que la faucheuse ne mette fin à notre relation ; qu'elle y mette fin sur cette Terre car, après, qui sait, peut-être te retrouverai-je au Paradis des cinéphiles...